“Justifier la violence par la provocation consiste à dire que son auteur réel n’est pas l’agresseur, mais la victime”



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Par Razika Adnani

Mila, une jeune fille de 16 ans, a été harcelée par des menaces de violences et de mort parce qu’elle a critiqué l’islam.  Comme à chaque acte de violence, la même remarque revient chez certains : la violence est due à une provocation de la part de la victime.  Abdellah Zekri estime que la jeune fille « l’a cherché » 

“Justifier la violence par la provocation consiste à dire que son auteur réel n’est pas l’agresseur, mais la victime. C’est elle la responsable ; elle est à l’origine de l’acte. L’agresseur, lui, n’en est que l’exécutant. Cette logique de la provocation nous met devant une problématique très importante : comment faire pour rendre justice et établir l’ordre ? Qui faut-il condamner, celui qui a commis l’acte ou celui qui a incité à le faire ?

Naturellement, l’acte est attribué à son auteur ; sa cause, selon la logique de la provocation, au provocateur. C’est donc celui qui a poussé à l’agression qu’il faudrait juger et punir pour incitation à la violence et non l’agresseur qui, lui, dans ce cas, devient une victime. Ce qui change complètement les normes de justice et de droit. Si la provocation est la cause de la violence, c’est elle qu’il faut combattre dans le cadre de la prévention. Comment faire pour empêcher la provocation ? Comment faire pour s’éviter de provoquer afin de n’avoir de problèmes ni avec les gens ni avec la loi ? Si la provocation est un délit puni par la loi, tout citoyen a le droit et le devoir de connaître la loi afin d’adapter son comportement. Pour cela, il faut d’abord savoir quand un acte peut être provocateur, définir ses critères pour l’éviter et l’interdire.

Un acte est provocateur quand il heurte les goûts, les idées, les convictions, les habitudes ou qu’il entrave les intérêts, les désirs d’une personne. Nous pouvons, par exemple, provoquer une voisine qui n’aime pas la couleur rouge juste en posant des rideaux de cette même couleur à nos fenêtres, le collègue simplement en ayant la promotion que lui n’a pas eue, le voisin en se garant à sa place et la liste peut être longue. Afin d’éviter la provocation, il est donc nécessaire de ne rien faire qui puisse choquer l’autre dans ses convictions, ses idées… Comment y parvenir ? Il faudrait certainement connaître tous les goûts, les convictions, les opinions, les croyances, les phobies, les superstitions de tous ceux susceptibles de partager avec nous un espace. Ce qui est totalement impossible, quand bien même nous passerions notre vie à étudier la personnalité des autres et à analyser le mode de vie de chacun. Il est donc impossible d’éviter de commettre ce délit de provocation et par conséquent de se préserver de la violence de l’autre sauf à abolir toutes les différences, sauf à ce que les gens se comportent tous de la même manière, réfléchissent tous de la même façon, aient tous les mêmes opinions, les mêmes convictions… bref, sauf à ce que nous soyons tous la copie conforme d’un seul et unique modèle. Totale utopie, car même dans les communautés les plus fermées et les plus petites, il y aura toujours des différences. Chacun est unique. L’autre n’est jamais comme moi. Considérer la différence comme une provocation revient donc à dire que vivre en société, c’est être constamment en situation de provoquer ou d’être provoqué. Réagir à la provocation par la violence c’est vouloir faire justice soi-même et ainsi se substituer à l’État. Dans une société où chacun fait sa loi, il n’y a plus de loi, il n’y a plus d’État ou plutôt c’est le retour à l’état naturel où la force fait loi. Dans un État de Droit ce ne sont pas les individus qui font la loi mais le droit. Si la provocation justifie la violence, le monde dans lequel nous vivons sera un monde de violence de tous contre tous”. Extrait de l’ouvrage de Razika Adnani, La nécessaire réconciliation, UPblisher, deuxième édition 2017

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