Razika Adnani : Du salafisme traditionnel au salafisme moderne



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Une des caractéristiques des mouvements de réforme dans la pensée musulmane contemporaine est leur souci d’insister sur le fait que leur projet s’inscrit au sein de la religion telle qu’elle était comprise et pratiquée par les premiers musulmans. Comme pour se justifier, ils cherchent tous à prouver que leur démarche n’est pas une innovation, mais une redécouverte de la vraie sagesse et du vrai savoir des anciens. C’était le discours que tenait Mohamed Abdou, considéré comme le père de la nahda.Il a été suivi en cela par presque tous les réformistes, quelle que soit la nature de la réforme qu’ils revendiquaient et cela continue aujourd’hui.


Cette habitude n’exclut pas ceux qui revendiquaient des concepts nouveaux, les modernistes. Tous cherchent à légitimer leurs discours en affirmant que ce qu’ils réclament n’est ni une importation de l’Occident ni étranger à l’islam parce que connu par les anciens, les salafs. Ce sont donc ces derniers qui valident toute idée nouvelle et toute réforme. De ce fait, le passé se présente, y compris pour les réformistes, comme seul critère de vérité. Chacun s’efforce de présenter des arguments pour prouver que le concept de la laïcité, par exemple, était connu par les premiers musulmans.[…].


Ainsi, si les modernistes défendent des concepts nouveaux, comme la laïcité , la modernité , la démocratie, la liberté, l’égalité  homme-femme, ils cherchent constamment les preuves du bien-fondé  de leur position dans le passé  et avec le même esprit salafiste. Ils luttent pour une réforme de l’islam et une émancipation de la pensée, mais n’arrivent pas eux-mêmes   se libérer de l’épistémologie salafiste. Bien qu’ils se veuillent réformistes ou modernistes, la posture intellectuelle de ces penseurs demeure salafiste. L’épistémologie salafiste, présentant toute nouveauté comme erreur et dévoiement, pèse tout autant sur la pensée des réformistes que sur celle des conservateurs. La pensée musulmane contemporaine demeure l’otage du passé. Elle passe d’un salafisme traditionnel à un salafisme moderne, mais reste toujours sous l’influence de la même théorie épistémologique : le passé est critère de vérité. Les modernistes ne sont en réalité que des salafistes modernes. Parce que la réforme est avant tout celle de l’esprit, cela explique l’échec de la réforme de l’islam.

Extrait de l’ouvrage de Razika Adnani : Islam : quel problème? Les défis de la réforme, éditions UPblisher France 2017, Afrique Orient, Maroc 2018.

Entretien de Razika Adnani accordé au journal le FigaroVox.

Razika Adnani « Le problème que pose l’islam n’est pas uniquement une question d’interprétation »

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