Razika Adnani : recherche stimulante- Par ADN-MED



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le 26 mars 2023

Par ADN MED

La chercheuse Razika Adnani* a investi le champ de la relation philosophie et religion avec une approche rigoureuse et atypique, en ce sens que la dimension académique de ses travaux n’empêche pas leur connexion permanente avec les problématiques de l’heure.

Porter la science dans l’agora

Ceux qui travaillent à la conceptualisation des enjeux, qu’ils soient économiques, géopolitiques ou sociétaux savent combien il est ardu de faire partager au plus grand nombre une réflexion qui invite tout un chacun à participer à la lecture du monde.

Si le champ du travail de Razika Adnani, concernant le culte et la philosophie, est aussi vieux que l’histoire de l’Homme, il n’en est pas moins actuel avec ce qu’il a de délicat, complexe voire inflammable. Pour autant, la chercheuse ne se réfugie pas dans le confort des respectabilités distantes et opaques que peuvent conférer les titres et notoriétés scientifiques. La jeune femme met la maitrise des dossiers qu’elle appréhende au service du débat public. Dans son ouvrage « Pour ne pas céder, textes et pensées », un recueil de contributions publiées entre 2010 et 2020, on découvre un engament intellectuel et sociétal assumé qui conjugue la cohérence universitaire et le nécessaire combat citoyen.  « La nécessaire réconciliation » publié en Algérie en 2013 puis en France en 2014 est un plaidoyer invitant à une introspection qui pointe le culte de la violence érigé en norme sinon devoir national. Le constat a conduit la philosophe à élaborer le concept de « moralisation de la violence », un engourdissement de la pensée qui refuse le regard sur soi et celui de l’autre, préférant la paresse spirituelle simplificatrice des dogmes et archaïsmes qui figent les vies dans le réflexe et l’instinct.

Audace convaincante

En survolant la bibliographie déjà conséquente de cette jeune universitaire, on observe que ses travaux ne se limitent pas aux constats. La prospective sans complaisance qui sait éviter la provocation traverse nombre de ses ouvrages. Dans « Islam : quels problèmes ? Les défis de la réforme », Razika Adnani, rejetant les facilités qui évacuent les débats de fond, investit de front les sujets  esquivés ou escamotés par les censures, les commodités ou les tabous. Dire que ceci ou cela n’est pas l’islam parce que la thématique dérange ou se contenter de répéter que cette religion est paix pendant que « certains tuent, maintiennent les femmes en situation d’infériorité, refusent l’égalité pour tous les citoyens et rejettent l’autre au nom de l’islam » est une posture qui stérilise la culture pouvant libérer l’homme de ses démons. La lecture fine, méthodique et rationnelle du corpus religieux doit précéder la réforme de l’islam qui ne peut et ne doit être différée.

Femme de son temps et actrice des mouvements d’idées qui agitent son environnement,  Razika Adnani assume sa part dans les luttes qui aspirent à la réhabilitation d’une Afrique du nord que, faute de mieux, elle continue d’appeler Maghreb, pour la proposer comme une matrice originale où le rapport au culte peut enfin devenir un choix consenti et non une aliénation qui dissout le libre arbitre du citoyen. 

Dans « Maghreb, l’impact de l’islam sur l’évolution sociale et politique » publié en décembre 2022 par Fondapol, l’auteure analyse le complexe d’infériorité qui fait que le Nord-africain a intériorisé le statut de musulman de seconde zone dont l’horizon indépassable est de ressembler aux croyants de l’Orient au prix du reniement du génie de son histoire singulière. Un miroir qui peut aider à mieux situer les enjeux culturels et politiques dans cette phase historique qui voient les jeunes de tous les pays de Tamazgha se réapproprier une histoire niée ou mutilée par les systèmes éducatifs officiels.

Puissent les intellectuels et, plus généralement, les relais d’opinion nord-africains se saisir des travaux de cette chercheuse pour les mettre à la disposition de la jeunesse en attendant que les institutions étatiques soient restituées à leur vocation d’outils devant servir l’émancipation de la cité démocratique. 

*Philosophe, islamologue et écrivaine. Présidente fondatrice des journées internationales de philosophie d’Alger et membre de la fondation de l’islam de France.

Liste des ouvrages de Razika Adnani :https://www.razika-adnani.com/publications/

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