La nature de l’islam, la grande question


La suprématie de la dimension juridique de l’islam au détriment de la dimension spirituelle a commencé à interpeller les musulmans et à les diviser, ce qui a suscité beaucoup de débats portant sur la question de la nature de l’islam et par conséquent celle de la définition du musulman : qu’est-ce que l’islam et qu’est-ce qu’être musulman ? L’islam est-il seulement une spiritualité ou une spiritualité et une organisation sociale ?[…]
La conception de l’islam comme une spiritualité uniquement s’est heurtée à celle des juristes pour qui l’islam est indissociable de la charia comme organisation juridique et donc politique. Pour eux, le Coran est un tout indivisible et il est de ce fait impossible d’abandonner ou de négliger les versets de la période médinoise qui comportent des recommandations d’ordre juridique et politique.
Ainsi, la question de la conception de l’islam et de sa nature a été posée très tôt dans la pensée musulmane. Après de longues discussions et controverses entre les deux positions antagonistes, « l’islam des juristes » a fini par s’imposer et les soufis eux-mêmes ont fini par reconnaître la dimension juridique et donc politique de l’islam.
Une forme de compromis tacite entre juristes et soufis leur a permis de cohabiter : les premiers ferment les yeux sur certaines pratiques soufies considérées comme hérétiques et, en contrepartie, les seconds reconnaissent la charia et cessent de dire aux musulmans que le respect de ses règles n’est pas nécessaire pour être musulman. Ainsi, les musulmans ont opté pour la charia comme partie intégrante de l’islam, autrement dit pour un islam indissociable de la politique.
Razika Adnani, Sortir de l’islamisme, aux éditions Erick Bonnier, décembre 2024