La Nahda, une période de modernisation
La Nahda désigne un mouvement de modernisation que les pays arabes et ceux du Maghreb ont connu entre le début du xixe siècle et la première moitié du xxe siècle. Ce mouvement de modernisation a concerné tous les domaines : la littérature, la société et la politique. Il était porté par des intellectuels et des politiques chrétiens, juifs et musulmans qui avaient tous comme objectif de sortir leurs pays du sous-développement et de leur permettre d’entrer dans l’ère de la modernité. Le terme Nahda doit être néanmoins pris avec précaution car il a été récupéré par les islamistes et les conservateurs. Pour la majorité des historiens, le point de départ du réveil du monde musulman est l’Égypte, l’expédition de Napoléon Bonaparte de 1798 ayant permis aux Égyptiens de prendre conscience de leur retard. Pour Bernard Lewis, « la Révolution française a été le premier grand mouvement d’idées de la chrétienté occidentale à s’être imposé à l’islam [1] » et c’est son caractère laïque qui lui a conféré une légitimité aux yeux des musulmans. La Nahda était une tentative des musulmans de s’émanciper des traditions et des règles sociales et morales qui se voulaient divines, pour construire une société selon des règles différentes conçues par la pensée humaine capables d’épouser le dynamisme de la société, contrairement aux règles figées de la religion qui figent la société.
Les pays du Maghreb ne sont pas restés en retrait de la Nahda.Ils ont eux aussi entamé des réformes politiques et sociales qui ont changé leur visage en quelques années, d’une manière extraordinaire et cela dans tous les domaines. L’adoption du système constitutionnel a été le plus important, mais il faut aussi évoquer la création de l’école moderne, séparée de la mosquée, et l’émancipation de la femme par l’obtention de droits dont elle n’avait jamais rêvé auparavant : sortir seule de la maison, ne pas porter le voile, s’instruire et travailler. C’est également à cette époque et encouragée par les antiesclavagistes européens que l’abolition de l’esclavage a eu lieu. La Tunisie est le premier pays musulman à avoir franchi le pas en 1846. L’abolition de l’esclavage et de la dhimmitude a été un progrès considérable dans l’émancipation des musulmans des contraintes de la charia et de ceux qui veillaient jalousement à sa pérennisation. En même temps, ce mouvement démontrait que les musulmans étaient capables d’émancipation dès lors qu’une volonté suffisante était présente. Cela aurait dû être un argument convaincant pour l’abolition d’autres règles islamiques ancestrales et humiliantes pour l’être humain, comme celles qui soumettent la femme à des règles discriminatoires, notamment la polygamie, les inégalités successorales et la répudiation. Cela n’a pas été le cas. Ce sont des preuves des limites de la Nahda. Au milieu du xxe siècle, c’est son échec qui a été constaté. Aujourd’hui, ce sont les renoncements à ses acquis qui sont une réalité et qui inquiètent.
[1]. Bernard Lewis, Islam, Gallimard, coll. « Quarto », 2005, p. 891.
Extrait de l’ouvrage de Razika Adnani Maghreb: l’impact de l’islam sur l’évolution sociale et politique, publiée par Fondapol en décembre 2022. L’ouvrage est en accès libre sur le site de Fondapol.