Imams de France : l’Etat peut-il réformer l’islam à la place des musulmans ?



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Razika Adnani – رزيقة عدناني

Atlantico – À l’occasion du lancement de la deuxième session du Forum de l’Islam de France, Gérald Darmanin a annoncé qu’il y aura désormais un statut pour les imams. Que faut-il penser de ce projet ?

Razika Adnani – C’est une annonce qui concerne le statut administratif des imams. Elle ne constitue en rien une solution aux problèmes que pose l’islam en France. Elle ne répond pas aux préoccupations des Français ni à leur inquiétude vis-à-vis de l’islamisme et du fondamentalisme islamique qui montent dans leur pays notamment après les propos très choquants de l’imam Mahjoubi.  L’État multiplie les annonces au sujet de l’islam qui prouvent qu’il n’arrive pas à résoudre les problèmes qui se posent. Ce sont tout d’abord des annonces qui concernent la gestion de l’islam en France et non l’islam alors que ce sont des problèmes qui concernent l’islam en tant que religion. Ensuite, il y a le fait que l’État ne peut pas s’immiscer dans la religion musulmane. Parce qu’il est laïc d’une part et, d’autre part cela serait vu par les musulmans comme une intrusion dans les affaires de leur religion et une nouvelle offensive de l’Occident contre l’islam, ce qui provoquerait des tensions et accentuerait les crispations. En France, il y a un grand problème avec des imams qui tiennent un discours très rétrograde et qui est à l’antipode de la culture et des valeurs de la France. Même ceux qui prétendent être des républicains, quand on aborde avec eux des questions telles que l’égalité entre les hommes et les femmes ou la liberté de conscience, on réalise qu’ils ne les admettent pas. Ils défendent par exemple « l’équité » pour justifier les inégalités qui existent en islam entre les hommes et les femmes. L’équité est l’argument qui revient dans le discours de tous les conservateurs qui refusent de mettre fin aux discriminations à l’égard des femmes en islam et dans les sociétés musulmanes. Les imams en France sont des imams de France uniquement sur le plan géographique et c’est là que se situe le problème. Créer un statut de l’imam, comme je viens de le dire, ne résoudra ce problème.

Atlantico – Est-ce vraiment le rôle de l’État ou du gouvernement de réguler la religion musulmane et le rôle des imams ? En quoi n’est-ce pas la bonne approche ?

Razika Adnani – Toutes ces annones concernent la gestion du culte musulman. S’occuper de l’organisation du culte c’est le rôle de l’État tant que cela reste dans le domaine de la gestion du culte et non du culte lui-même et sa pratique. Les religions font partie de la société que l’État administre et les religieux sont des citoyens comme les autres notamment quand ils sont dans l’espace public. Que l’État rappelle à la religion le devoir respecter les lois de la République quand elle s’exprime dans l’espace public non seulement cela ne se heurte pas à la laïcité, mais fait partie de son rôle. Concernant l’islam, ce qui pose problème c’est la charia, autrement dit le droit musulman mis en place entre le VIIIe siècle et le Xe siècle pour administrer les sociétés musulmanes, qui veut s’imposer dans l’espace public.  Donc face à la charia, l’État est confronté davantage à un système social et politique qu’à une religion. Que l’État intervienne pour protéger la République n’est pas une entorse à la laïcité, car il n’agit pas dans le domaine de la religion mais dans celui de la politique. Le rôle de l’État est de protéger la République de tout ce qui ne peut la menacer sans s’immiscer dans le culte et sa pratique. Ce qui est une mauvaise approche, c’est le fait que l’État se plie aux exigences des islamistes et aborde le voile comme une pratique religieuse comme c’est le cas de la loi de 2004.  Alors que le voile est une pratique qui discrimine les femmes et déshumanise les hommes. Quand il s’invite dans l’espace public, il piétine les valeurs de la République, l’égalité et l’humanisme. D’autant plus que sur le plan religieux aucun texte coranique ne recommande à la femme de couvrir sa chevelure.

Atlantico – Cette mesure sur le statut des imams annoncée et proposée par Gérald Darmanin n’est-elle pas un simple effet d’annonce ? Est-ce que des mesures sont officiellement prises ?

 Razika Adnani – Moi je parlerais de mesures efficaces qui doivent être prises et celles-ci, c’est aux musulmans de les prendre. Ils doivent commencer par en finir avec l’habitude de répéter que le problème n’est pas l’islam mais l’islamisme, ou que c’est juste une mauvaise compréhension de l’islam. Ils doivent reconnaître les problèmes que l’islam pose dans notre société et à l’époque actuelle. Ainsi seulement ils se pencheront sur leur religion pour les résoudre cela revient à changer l’islam de l’intérieur, autrement dit le réformer. Réformer l’islam consiste à le débarrasser de l’emprise des anciens et le libérer de la politique afin qu’il soit une religion et non une politique. Comme je l’ai toujours précisé dans mon ouvrage Islam : quel problème ? Les défis de la réforme et dans plusieurs occasions, c’est une « réforme est orientée vers l’avenir » et qui a comme objectif de créer du nouveau en islam et non une réforme qui cherche à retrouver l’islam pur des premiers musulmans. Une autre mesure efficace dont je voudrais parler concerne la formation des imams dont l’État parle beaucoup. Elle doit avoir comme objectif de leur transmettre les moyens intellectuels et les principes nécessaires qui leur permettent de s’émanciper de l’islam des anciens, de leur théologie et de leur conception de la société, de l’autre, de la femme. Une formation qui transmet le discours religieux que tous les musulmans répètent ne fera que perpétuer les problèmes.

Razika Adnani

ِEn arabe : رزيقة عدناني

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