Razika Adnani “Voile : l’État doit avoir une parole ferme”



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Publié dans Ouest France

Dans cet article Razika Adnani a réagi au communiqué du CFCM au sujet du voile du 29 octobre 2019

Le président Emmanuel Macron a demandé au Conseil français du culte musulman (CFCM) d’avoir une parole forte sur le voile, les femmes et l’école républicaine alors que c’est à l’État que revient ce devoir, car le voile est une pratique discriminatoire à l’égard des femmes et un discours déshumanisant pour l’homme.

L’État est le premier garant de l’égalité hommes-femmes ; il porte la responsabilité de protéger les femmes de toute pratique visant à les maintenir en situation d’infériorité. Son rôle est également de favoriser les moyens culturels et éducatifs qui empêchent les individus de s’habituer aux discriminations et leur permettent de réaliser leur dimension humaine.

L’État est le premier garant de l’égalité hommes-femmes ; il porte la responsabilité de protéger les femmes de toute pratique visant à les maintenir en situation d’infériorité.

Si des versets du Coran évoquent une façon de s’habiller spécifique pour la femme; d’une part, aucun de ces versets n’évoque la chevelure de la femme et d’autre part, toute recommandation existant dans les textes coraniques n’implique pas impérativement son application. L’esclavagisme et le châtiment de la main coupée, par exemple, y sont inscrits. Ces deux règles, et beaucoup d’autres, ne sont pourtant plus mises en pratique ni reconnues par la très grande majorité des musulmans.

Le port du voile s’impose, en revanche, comme un devoir religieux incontournable et beaucoup de musulmans le considèrent comme la preuve de l’appartenance de la femme à la religion musulmane.Alors que sur le plan théologique, le voile n’est ni un principe fondateur de l’islam, ni un principe de la pratique de l’islam. Les principes fondateurs de l’islam sont la foi en l’existence d’un Dieu unique, la prophétie de Mohammed et la sacralité du Coran. Les principes de la pratique de l’islam sont la chahada, la prière, l’aumône, le hadj (pèlerinage à La Mecque) et le jeûne.

Sur le plan théologique, le voile n’est ni un principe fondateur de l’islam, ni un principe de la pratique de l’islam.

Autrement dit, selon la théologie musulmane, le port du voile n’est en rien la preuve d’une quelconque appartenance de la personne à l’islam et une personne peut avoir la foi et la mettre en pratique sans avoir à porter le voile. La preuve en est que beaucoup de femmes réclamant leur islamité ne portent pas le voile. La dissimulation des cheveux de la femme représentant la pièce principale du voile n’est en effet évoquée dans aucun verset coranique.

Ce n’est pas un simple signe religieux

Tous ces éléments montrent que le facteur religieux n’est pas suffisant pour analyser et comprendre le phénomène du voilement des femmes. Dans l’Histoire de la Méditerranée, le voile représentait un système social fondé sur la domination masculine. Saint Paul qui a imposé aux femmes, dans son épître aux Corinthiens le voilement de la tête, avait précisé qu’il était un signe de leur subordination aux hommes et un marqueur de distance entre elles et Dieu, l’homme ayant le monopole du rapport direct avec Dieu selon lui.

Si le voile s’impose encore aujourd’hui, c’est parce que beaucoup d’hommes voient en lui le dernier emblème de leur domination sur la femme, et beaucoup de femmes n’arrivent pas à se soustraire d’une image inférieure d’elles-mêmes enfouie dans leur être depuis des siècles.

À partir de la seconde moitié du XXe siècle, le voile est devenu pour l’islam politique un moyen de lutte. Il symbolise la préservation des traditions et concrétise le conservatisme ; et l’islam politique est un conservatisme. Son objectif consiste à établir une société conforme aux règles de l’islam et surtout au modèle des premiers musulmans. Ainsi, le voile représente pour les musulmans qui sont dans le combat politique un indice important de la réussite de leur mouvement politique.

Tous ces éléments nous permettent de déduire qu’on ne peut pas aborder le voile comme un vêtement comme les autres ou un simple signe religieux.

(1) Présidente fondatrice des Journées Internationales de philosophie d’Alger. Son dernier ouvrage : « Laïcité et Islam, mission impossible ? », entretien par José Lenzini (éditions. de L’Aube).

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