Le relativisme en religion, pourquoi est-il contesté ?



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Par Razika Adnani
Article publié par le quotidien algérien Liberté
Au fil du ramadhan, le 15 août 2011

Le caractère relatif de l’interprétation des versets coraniques et par conséquent des règles juridiques (charia) extraites de ces versets commence à germer chez bon nombre d’intellectuels dans les sociétés musulmanes. Avides de changement et désireux d’un islam plus compatible avec les valeurs sociales et morales actuelles, ils trouvent dans le relativisme un moyen de sortir de l’immobilisme des règles de la charia.


Cependant, le relativisme en religion n’est pas regardé d’un œil approbateur dans les milieux religieux conservateurs. Selon eux, le relativisme est la multiplicité de la vérité qui pousse à douter d’elle. C’est l’âme qui erre et qui ne sait plus où se poser, alors que les musulmans ont besoin d’avoir une foi inébranlable, une certitudes dans la véracité, le bien-fondé et la justesses des recommandations des textes pour les pratiquer avec dévouement et témoigner ainsi de leur appartenance à l’islam.

Certes le doute, au moment où la personne est dans l’état de doute, est absence de croyance. Quand il s’installe dans les esprits, il pousse à la rébellion contre l’ordre établi. Il suscite ainsi chez les croyants la peur de voir les musulmans s’éloigner peu à peu de leur religion et de voir un jour leur comportement perdre le lien avec l’islam et la société musulmane que le prophète a voulue et construite.


Cette peur a d’ailleurs été ressentie très tôt dans l’histoire de l’islam. Dés le lendemain de la mort du prophète, quand certaines tribus ont refusé de se soumettre aux lois de la charia notamment pour le paiement de l’impôt “zakat”. Convaincus qu’ils étaient de l’importance de la charia dans l’accomplissement de la religion musulmane, les savant devaient trouver une solution pour la protéger et éviter sa transgression. Il était nécessaire pour eux qu’elle ait une valeur sacrée aux yeux des musulmans pour qu’elle se dresse en rempart devant toute tentative de désobéissance de leur part. Ainsi la règle fut : celui qui croit en Dieu et son prophète doit se soumettre aux lois de la charia sans discussion ni questionnement.


Toutefois, cette solution logique en son apparence pose une problématique essentielle. Les règles de la charia que les musulmans connaissent et pratiquent ne sont que le résultat de leur compréhension des textes. Par conséquent, elles ne peuvent être les lois divines en elles mêmes. Les musulmans qui ne devraient soumettre qu’à Dieu ne peuvent se soumettre absolument à la compréhension et l’explication d’hommes ou de femmes, même s’ils leur témoignent le respect le plus profond.


Cette problématique n’échappe pas aux penseurs musulmans. Si l’école littéraliste a vu le jour c’est dans le but de la résoudre. Selon les littéralistes, la clarté des versets explicites, n’appelle pour leur connaissance aucune part de la pensée humaine au delà du rôle de transmission “naql”. Ainsi l’explication par le sens apparent est la méthode qui permet de refléter les lois sacrées telles qu’elles sont dans les textes. Par conséquent, les lois de la charia sont les lois sacrées de Dieu. Néanmoins, selon la définition des littéralistes, le mot “explication” Tafsir vient du verbe expliquer fassara qui veut dire ressortir et dévoiler (le sens)comme l’explique Djalal Eddine Essaouti 1 . Ce qui suggère que le sens n’est pas tout à fait apparent. Par conséquent, le commentateur ne peut se contenter de transmettre le sens des textes mais doit l’explorer. Il use donc de l’effort de sa pensée pour comprendre les textes et les expliquer.

La pensée est de part son essence, un élément actif dans l’explication ou l’interprétation des idées et des textes. L’idée qui rentre dans la pensée ne ressort jamais telle qu’elle est rentrée. Le commentateur, selon Ali Harb, n’utilise ni les mêmes mots ni les mêmes phrases que le texte original mais ses propres mots et ses propres phrases. Ce qui est suffisant pour reconnaître que le commentaire tafsir ne peut nullement être le texte original intégral. Les preuves en sont les divergences voire les désaccords entre les exégètes et le fossé qui se creuse entre la compréhension des textes par les nouvelles générations et celle des générations précédentes. Ceci nous amène à dire que les règles de la charia, qui sont le résultat de l’interprétation humaine des textes, ne peuvent être que relatives.


Il faut préciser par contre, que le relativisme en religion n’est pas celui du doute absolu qui nie la vérité, ni celui du subjectivisme qui prétend qu’à chacun sa vérité, auquel il est souvent assimilé. C’est un relativisme scientifique. S’il doute d’une idée, sa caractéristique est de croire à la vérité. Sa condition est que la vérité soit fondée et construite sur les bases de la méthode scientifique et que les portes de la recherche restent ouvertes pour plus de vérité.

Ainsi et seulement ainsi, le relativisme permet la réalisation du dynamisme de l’islam, son mouvement pour cheminer vers son accomplissement. N’est-ce pas par ce dynamisme que les savants expliquent comment certains versets furent remplacés par d’autres quand la mentalité des gens eut changé ou fut plus apte à comprendre et assimiler de nouvelles règles ? N’est- ce pas une reconnaissance de leur part que l’islam va vers son accomplissement lorsqu’ils expliquent avec beaucoup d’habilité pourquoi le Coran n’a pas aboli d’esclavage mais a laissé aux musulmans le soin de le faire ?

Razika Adnani

1- Djall Eddine Essaouti. El Itquane fi ouloum el-Quor’ane, p. 545. Edition Dar El-fikr.


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