La maturité de l’humain se mesure par sa capacité à dompter son penchant pour la violence



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Dans cet article la philosophe et islamologue Razika Adnani, Présidente Fondatrice des Journées Internationales de Philosophie d’Alger, revient sur les points essentiels de son discours inaugural de la troisième édition de ces journées qui ont  eu lieu les 13 et 14 octobre 2018 autour du thème de « la violence ». Casbah Tribune

Pourquoi la violence ? Une des questions qui m’a beaucoup été posée lors que cette troisième édition des Journées Internationales de philosophie d’Alger. Tout d’abord, parce que la violence est une question qui a interpelé les philosophes de l’antiquité à nos jours et ensuite parce qu’elle interroge les Algériens d’une manière particulière. La violence au quotidien mine leur société. Elle est présente dans les rues, dans les lieux de travail et au sein de la famille.

Si la violence interpelle l’humain encore aujourd’hui, c’est la preuve qu’il a encore des choses à dire à son sujet. C’est la preuve que le progrès et l’évolution de l’humanité n’ont pas pu y mettre fin ; elle continue de faire partie de l’existence humaine. Enfin, c’est la preuve que les philosophes n’ont pas pu ou su répondre efficacement aux questions qu’elle pose.

Cependant, ne pas répondre d’une manière définitive, ne pas donner une seule réponse, mais ouvrir sur plusieurs « voix » possible ne fait-il pas partie de la nature de la philosophie ? Les philosophes n’ont-ils pas toujours souligné ce caractère spécifique de leur discipline ?

Certes, le philosophe ne défend ses idées que parce qu’il y croit totalement, mais la philosophie lui rappelle qu’il est incapable d’atteindre la vérité et certainement pas  la vérité absolue. C’est la première leçon que la pratique philosophie donne et c’est celle que nous devons transmettre, car cette négativité est paradoxalement très positive.  « En nous faisant admettre notre incapacité à atteindre la vérité absolue, la philosophie nous apprend à écouter l’autre, elle nous apprend la tolérance. »

En effet, les actes de violence les plus atroces et les plus sauvages sont commis par ceux qui pensent détenir la vérité. La philosophie, comme esprit critique qui pousse l’individu à se remettre en question et comme argumentation qui ne reconnaît uniquement l’une idée qui est soutenue par des preuves, est certainement le moyen le plus efficace moyen pour lutter contre la violence.

Pour le philosophe Français d’origine allemande, Eric Weil, la philosophie résulte d’un choix premier entre violence et discours. Autrement dit, ne choisit le discours, c’est-à-dire la philosophie, que celui qui a renoncé à la violence. La non-violence est donc non seulement l’aboutissement de la pratique philosophique, mais aussi son point de départ. Autrement dit, au moment où l’on choisit la philosophie on a déjà choisi la non-violence.

Cependant, si l’être humain a toujours été philosophe, la violence a toujours accompagné son existence. Cela veut dire d’une part, qu’au moins une partie de l’humanité a choisi la violence plus tôt que le discours pour forcer l’adhésion au lieu de convaincre par l’argumentation. D’autre part,  les philosophes non seulement n’ont pas n’ont pas répondu avec certitude aux   questions que pose la violence, mais aussi qu’ils ne l’ont pas toujours condamnée ou systématiquement condamnée.  Certains lui ont attribué un rôle et une utilité pour la rendre acceptable, justifiable et même parfois indispensable.

Parmi ces philosophes, Hegel expliquant, dans son ouvrage : Leçons sur la philosophie de l’histoire, le rôle constructif que la violence a dans la marche de l’histoire humaine vers la réalisation de l’Esprit universel.  Karl Marx influencé par Hegel considère lui aussi que la violence des prolétaires est un moyen pour mettre fin au capitalisme et changer le monde. Jean-Paul Sartre, quant à lui, voit dans la prise des armes un moment irrévocable dans le développement.

Cependant, soulever la question de la violence aujourd’hui et attirer l’attention sur ce fléau ne signifient pas que la réalité humaine est totalement sombre. L’être humain est beaucoup moins violent que ce qu’il était dans le passé.  Dans certaines sociétés, il a réussi à vaincre la violence.  Cette évolution n’est certainement pas parfaite ni homogène, mais c’est une preuve que l’humain est capable d’avoir une relation avec l’autre fondée sur le respect de l’humain et de la loi comme moyen pour régler les conflits et non sur la violence.  C’est certainement aux philosophes des lumières et des droits de l’humain que revient le mérite de conduire l’humanité vers cette maturité, maturité qui se mesure par la capacité l’humains à dompter son penchant pour violence. Razika Adnani

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