Islam, réforme et responsabilité



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“Si le début du XXIe siècle exige de chacun d’entre nous un comportement responsable envers la nature, il l’exige tout autant envers l’humanité. Nous vivons une période où la violence devient un moyen d’expression et de revendication, où les guerres de religion menacent assurément. Chacun doit prendre ses responsabilités. Il est du devoir de tous de protéger l’humanité de la barbarie, des guerres et du déclin. Il faut préserver les valeurs humaines : la liberté, la dignité, l’égalité, qui ont mis si longtemps à se mettre en place.

Il ne suffit plus, aujourd’hui, de répéter […]« cela n’existe pas en islam » ou « cela n’est pas l’islam » ou encore « c’est juste une mauvaise interprétation des textes » . On ne doute pas de la sincérité et du désir de bien faire de ceux qui tiennent ce discours. Cependant, cette dérobade ne règle pas le problème. Elle n’aide pas les musulmans à faire face aux questions qui se posent à eux et ne leur permet pas de comprendre, si l’islam est une religion de paix et de respect pour l’autre, pourquoi certains tuent, maintiennent les femmes en situation d’infériorité, refusent l’égalité pour tous les citoyens et rejettent l’autre au nom de l’islam. Il est du devoir des musulmans de savoir pourquoi ces actes sont commis au nom de leur religion[…] Leur responsabilité ne leur permet plus de se contenter de nier tout lien entre l’islam et ces agissements. Ils sont dans une situation qui les oblige se poser des questions essentielles : que s’est-il passé au cours de l’histoire de cette religion ? Qu’y a-t-il dans les textes ? Que disent les théories théologiques, méthodologiques, exégétiques et juridiques qui entourent l’islam et qui ont participé à sa construction ?

Souvent, pour convaincre quelqu’un que l’islam est une religion de paix, de tolérance et d’égalité, on cite des textes coraniques. Assurément, un certain nombre en sont de bonnes preuves et méritent d’être rappelés. En ce sens, le verset 105 de la sourate 5, La Table Servie :   Ô les croyants ! Vous êtes responsables de vous-mêmes ! Celui qui s’égare ne vous nuira point si vous, vous avez pris la bonne voie, est un élément d’appui pour approuver les principes de liberté et de tolérance. Beaucoup citent également le verset 6 de la sourate 109, Les Incroyants :   Vous avez votre religion, j’ai la mienne, ou encore le verset 256 de la sourate 2, La Vache :   Point de contrainte en religion[…] . Cependant, s’il est important d’identifier ces versets pour convaincre qu’un islam nouveau et moderne est possible, il ne faut pas passer sous silence ceux qui appellent au djihad, à la soumission de la femme et privent les minorités religieuses de leur statut de citoyen à part entière. Nier leur existence ne réglera pas le problème, d’autant plus qu’aujourd’hui des groupes extrémistes les utilisent pour promouvoir la violence et le rejet de l’autre (ce que l’Internet permet et facilite).

Dans un tel contexte, les musulmans ne peuvent plus, par exemple, se contenter d’affirmer que le djihad en islam est spirituel. C’est le meilleur sens à donner à ce terme, certes ; mais cela ne réglera pas le problème de la violence au nom de l’islam si les musulmans ne posent pas clairement et objectivement la question des versets qui incitent à la violence. La situation politique, culturelle et climatique du monde d’aujourd’hui, qui favorise le déplacement massif des populations, oblige les musulmans à questionner les versets qui posent problème. Ils n’ont d’autre choix que de le faire s’ils veulent un islam plus tolérant qui permette une bonne cohabitation avec les autres. Ce n’est qu’en affrontant un problème qu’on peut le résoudre, le dépasser.

Accepter de se confronter à ces versets, c’est tout d’abord reconnaître leur existence pour une meilleure compréhension du problème ; les nier, c’est dissimuler des éléments d’étude importants. Sans aucun doute, la politique de l’esquive n’aide pas l’islam.

Ce discours rejetant tout lien entre la religion musulmane et les problèmes qui se posent aujourd’hui, s’il flatte les musulmans (et certains non-musulmans), il les fragilise énormément ; notamment les jeunes, plus vulnérables face aux discours salafistes et littéralistes. Placés devant des versets qui appellent à la guerre et devant la jurisprudence des anciens qui fait du djihad un devoir sacré pour tout musulman, confrontés à des versets qui instituent la dhimmitude et légitiment la soumission des femmes, les jeunes se retrouvent dépourvus de tout élément de réponse et du savoir nécessaire pour rétorquer et se protéger. Beaucoup perdent confiance dans leur entourage, le considèrent comme ignorant du véritable islam ou encore renégat, et se réfugient auprès des fondamentalistes qui se présentent à eux comme les plus pieux, ceux qui les aiment, car ils leur disent la vérité. Si l’on veut aujourd’hui vivre dans un monde de paix où chacun, homme ou femme, musulman ou non, doit être respecté, il faut tout d’abord aborder ouvertement et clairement les versets qui posent problème et les affronter. C’est la première étape dans le processus de forme de l’islam. Le faire est une forme d’honnêteté envers soi-même, mais aussi envers les autres.

Réformer l’islam consiste également à questionner ce que les musulmans ont construit autour des textes : les commentaires, le droit, la théologie et les méthodes utilisées. Ce travail ne peut se faire sans une connaissance de l’histoire de l’islam et une analyse critique et rationnelle de celle-ci, qui commencera par une réhabilitation de l’intelligence et une revalorisation de l’humain. Elles permettront aux musulmans d’une part, de comprendre que l’islam (ou les islams), connu et pratiqué n’est pas l’islam révélé, mais un islam construit en fonction de lectures différentes et d’interprétations multiples des textes scripturaires. D’autre part, ils auront le recul nécessaire vis-à-vis de leur savoir pour en comprendre les contraintes. Quiconque considère que la pensée musulmane n’a rien  à voir avec les problèmes que pose l’islam aujourd’hui ne cherchera ni à les identifier, ni  à les comprendre, ni   à leur trouver une solution. »

Extrait de l’ouvrage de Razika Adnani Islam : quel problème? Les dédis de la réforme.



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1 Commentaire(s)

  1. Michel BOUCHARDY dit :

    Saine réflexion qui incite les musulmans à réfléchir sur leur religion et ses liens très étroits avec le temporel…..

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