Le voilement des petites filles révèle une pratique très extrémiste de la religion



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« Le voile peut signer l’asservissement, il peut aussi signer un choix » a déclaré le Ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti se prononçant sur l’amendement visant à interdire le port du voile par les petites filles. Comment une pratique qui est une preuve d’asservissement peut-elle signer en même temps ou également un choix ?  Le Ministre signifie peut-être qu’une personne peut choisir l’asservissement. Cependant, la servitude volontaire n’est pas une situation de liberté. Quant aux femmes qui affirment avoir choisi librement de porter le voile, le sentiment d’être libres n’est pas une preuve que nous le sommes comme nous le rappelle bien le philosophe Spinoza.  

C’est en Occident que l’argument de la liberté est souvent évoqué pour donner une légitimité au port du voile. Dans la pensée musulmane, le concept de liberté n’est pas connu. Les croyants se soumettent aux recommandations de Dieu, aux règles de la communauté et à la volonté de son mari pour la femme. La valeur suprême dans la morale musulmane est l’obéissance. Les musulmans ont découvert la notion de liberté, comme absence de contrainte sociale s’imposant à l’individu, au XIXe siècle lorsqu’ils sont entrés en contact avec l’Occident. Cependant, au lieu qu’elle soit pour eux une occasion pour en faire un principe social et moral et reconnaître à l’individu sa liberté, ils l’ont utilisée pour consolider les règles auxquelles ils ont toujours obéi. C’est la même chose pour l’égalité et les droits humains. 

Nul ne peut prétendre que les petites filles aient atteint la maturité intellectuelle et morale qui leur permette de choisir leurs actes, de décider elles-mêmes de se voiler ou non. Ce sont donc les parents qui décident de couvrir le petit corps de leurs fillettes. 

C’est comme mettre des chaînes aux pieds des enfants pour que demain ils soient des esclaves dociles. Mieux encore, ne connaissant pas ce que signifie la vie sans les chaînes, eux-mêmes refuseront qu’on les leur retire.  Pour Nietzsche, l’être humain « s’estime libre quand il cesse de sentir la pression de ses chaînes du fait d’une longue accoutumance ».  Si le voile était une liberté, les femmes iraient naturellement vers cette liberté et on n’aurait pas besoin de les conditionner ainsi toutes petites.

La liberté est avant tout un choix en connaissance de cause et les petits enfants, s’ils se posent des questions au sujet de Dieu, n’ont pas suffisamment l’usage de la raison pour avoir une conviction religieuse personnelle. La société, consciente de cela, ne leur reconnaît la responsabilité ni morale ni juridique de leurs actes. Le voile des petites filles reflète donc les convictions des parents. Ceux-ci les utilisent comme preuve de leur propre piété réelle ou fictive. Ils les exhibent fièrement couvertes de la tête aux pieds dans l’espoir d’obtenir de la reconnaissance de leur communauté. Ils veulent qu’on dise d’eux qu’ils contrôlent bien leurs filles, qu’ils ont la garantie qu’elles ne se révolteront pas demain contre leur autorité ou contre le port du voile et bravent en même temps une société qu’ils jugent trop sécularisée et dévoyée. Le voilement des petites filles est donc une pure exploitation des enfants par les adultes. 

La petite fille ne porte donc pas le voile pour elle-même, mais pour ses parents et pas pour ce qu’elle est aujourd’hui, mais pour ce qu’elle ne doit pas être demain. Entre-temps, le voile l’empêche d’être libre de ses mouvements, de jouer comme tous les enfants et de vivre pleinement son enfance. Et parce que le garçon n’est pas soumis à la même obligation vestimentaire, la fille goûte ainsi très tôt à l’amertume de la discrimination. Elle comprend dès son jeune âge que son corps pose problème et non celui de son frère, ce qu’elle vit avec une grande douleur même si elle ne sait pas l’exprimer. Ainsi le voile vole à la petite fille son enfance mais aussi nuit à sa santé et entrave son développement et son épanouissement moral et physique.

Dans les sociétés musulmanes et pendant des siècles, les femmes étaient soumises à la réclusion à vie. Personne ne se souciait de ce qu’elles pouvaient ressentir. L’important était la réputation de la famille : du père, du frère et du mari. Une pratique qui n’est pas totalement révolue.

Ceux qui voilent les petites filles sont animés par la même logique. Ils ne s’inquiètent pas de ce qu’elles peuvent ressentir, vivre ou endurer. L’essentiel c’est de garantir que demain elles soient des femmes soumises au port du voile. Le voilement des petites filles en France est donc la preuve qu’une mentalité ancestrale est en train de s’y installer. 

Ce qui est encore plus révoltant c’est le fait que, selon le discours religieux, la femme doit dissimuler son corps pour ne pas susciter le désir de l’homme. Le corps de la petite fille suscite-t-il le désir de l’homme pour lui infliger le port du voile ? Que donnent les parents comme explication à leur petite fille qui leur pose la question : « Pourquoi dois-je me voiler ? » Parce que tout le discours sur le voile concerne le corps et la sexualité, voiler la petite fille, c’est érotiser son corps, c’est l’arracher très tôt à son innocence ainsi que le petit garçon.  Si celui-ci ne porte pas le voile, il est affecté directement par le discours qu’il transmet. 

Aborder le voilement des fillettes sans interroger la religion est aujourd’hui impossible. Ceux qui les voilent prétendent le faire au nom de l’islam ainsi que ceux qui renoncent à les protéger.  Pourtant rien dans le Coran, texte fondateur de l’islam, ne dit que la petite fille doit se voiler ni même la femme. Si certains versets recommandent une façon de s’habiller spécifique pour la femme, aucun ne parle de la dissimulation de sa chevelure alors que le foulard est la pièce principale du voile, sans laquelle une femme ne peut être considérée comme voilée. Voilà pourquoi on peut affirmer aisément que le voile n’est pas évoqué dans le Coran. Et même s’il l’était, quand il s’agit de la santé, de l’épanouissement et du développement morale et physique des petites filles, la religion doit abdiquer. 

Un autre élément important à ajouter c’est que le discours religieux qui défend le port du voile lui-même précise que la fille ne doit pas être voilée avant l’âge de la puberté pour certains et pour d’autres pas avant l’âge de 15ans. Cela montre que le voilement des petites filles exprime une forme encore plus extrémiste de la pratique religieuse. Elle peut s’expliquer par le fait que beaucoup de femmes se sont aujourd’hui émancipées du port du voile. Les fondamentalistes et les islamistes pensent que la meilleure manière d’empêcher ce phénomène, notamment chez celles qui vivent en Occident, c’est de les y habituer dès leur enfance. Cela révèle l’importance du voile pour eux comme le signe le plus visible du modèle de société qu’ils veulent bâtir, mais aussi le refus de l’homme de renoncer à ce qui lui reconnaît sa supériorité sur la femme. 

Razika Adnani 

Paris 

25 janvier 2021

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