Ils ne disent pas la vérité – Youssef al-Qaradaoui يوسف القرضاوي

Dans son ouvrage Comment se comporter avec le glorieux Coran ?, Youssef al-Qaradaoui écrit au sujet des inégalités successorales, pour répondre à ceux qui appellent à leur abolition, qu’elles sont inscrites dans les textes coraniques et les abolir, c’est aller à l’encontre de la volonté de Dieu, « c’est donner à l’être humain le droit de corriger Dieu et critiquer ses règles : il garderait ce qui lui plaît et annulerait, comme il le veut, ce qui ne lui plaît pas1 ». Youssef al-Qaradaoui, mort le 26 septembre 2022, était un des islamistes de la Confrérie des Frères musulmans les plus influents dans tout le monde musulman. Le Qatar en a fait la star de la chaîne la plus populaire du monde arabophone, al-Jazeera. Lors de son décès les hommages ont coulé à flots, ce qui montre la grande vénération des islamistes pour ce prédicateur.
Youssef al-Qaradaoui n’a pourtant pas dit la vérité aux musulmans, car déclarer une recommandation coranique caduque est possible en islam et les musulmans l’ont déjà fait. Comment Youssef al-Qaradaoui pouvait-il ne pas le savoir, lui qui a travaillé sa vie durant sur les textes coraniques et dans le domaine de l’islam ? Comment pouvait-il ignorer que les recommandations coraniques s’opposent entre elles et qu’il est logiquement impossible de les pratiquer toutes à moins de pratiquer une loi et son contraire en même temps ?
Youssef al-Qaradaoui savait qu’il ne suffisait pas qu’une règle soit inscrite dans les textes coraniques pour qu’elle soit appliquée ou applicable et cela est valable dans toute l’histoire de l’islam. D’ailleurs, dès les premiers siècles, les musulmans ont mis en place le principe de l’abrogé, manssoukh, et de l’abrogeant, nassikh, pour sortir de certaines situations juridiques et théologiques complexes. Celles souvent où, au sujet d’une même question, deux positions différentes, voire contradictoires, sont présentées. Ce principe est une reconnaissance que les musulmans n’appliquent pas systématiquement toutes les recommandations du Coran. Le Coran lui-même affirme dans le verset 106 de la sourate 2, La Vache, que certains versets, sans préciser lesquels, sont abrogés et d’autres ont été fait oublier.
L’amour de Dieu et le souci de respecter sa parole ne sont pas des arguments convaincants pour refuser le changement et l’évolution comme le prétend Youssef al-Qaradaoui. Cependant, les islamistes ne sont pas dans une posture de spiritualité ou de recherche de cohérence, mais dans une démarche davantage politique qui consiste à prendre le pouvoir pour imposer la charia partout dans le monde. Leur objectif n’est pas de dire la vérité, mais de dire ce qui permet à leur modèle de société de se mettre en place et de se pérenniser. Pour cela, la fin justifiant les moyens, le mensonge est acceptable et permis.
Razika Adnani, Sortir de l’islamisme, Erick Bonnier, décembre 2024.
