Un féminisme qui défend le voile n’est pas un féminisme (Entretien de Razika Adnani)



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Entretien accordé le 5 mai 2022 au journaliste Jean-Benoit Vigny de Le Dauphiné Libéré. Razika Adnani a donné le 4 mai à Grenoble une conférence sur le thème “Le voile, un problème qui ne concerne pas uniquement les femmes, un sujet qui ne concerne pas uniquement la France“. Elle a été invitée par le collectif Émancipation 2022 à la suite de la lettre ouverte qu’elle a écrite à Éric Piolle, maire de Grenoble : « Monsieur Éric Piolle, le voile ne peut pas être une liberté pour les femmes »

Question 1- Quelle avait été votre réaction quand vous avez appris la volonté probable de la Ville de Grenoble d’autoriser le burkini ?

Razika Adnani -« J’ai ressenti le besoin d’apporter certains éclairages sur le sujet, qui, je précise n’est pas un problème qui concerne uniquement la femme, notamment lorsque qu’Éric Piolle présentait le burkini comme un signe religieux, une pratique du culte musulman. Car là, non seulement, il prend position sur une question théologique qui concerne les musulmans, mais aussi en faveur des conservateurs. »

Question 2- La question divise déjà le monde musulman…

RA-“La question du voile divise les musulmans depuis le XIXe siècle entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Certains musulmans, parmi eux des religieux, ont souligné que le Coran ne recommandait pas aux femmes de couvrir leur chevelure, la partie principale du voile. Pour moi, cela est suffisant pour affirmer que le voile n’est pas une prescription coranique. Les conservateurs affirment le contraire.

Question 3- Le burkini et le voile, ce serait la même chose ?

RA-« Le burkini, c’est la version maillot de bain du voile. Il transmet le même discours, il a le même objectif et le même sens. Il a été créé en 2003 pour des raisons commerciales, ce qui ne fait pas de lui un signe de modernité. Celle-ci n’est pas ce qui est récent ou qui est lié à l’époque. Lorsqu’il s’agit du comportement des hommes et des femmes, la modernité est un état d’esprit grâce auquel l’être humain prouve sa maturité. Le discours du voile se trouve à l’opposé de cette maturité, donc de cette modernité. Il déshumanise l’homme en le réduisant à un corps ce qui est la plus grande atteinte à sa dignité humaine dont le respect est un principe de la modernité.

Question 4- Certaines femmes musulmanes disent pourtant vouloir porter le voile/le burkini et qu’elles n’ont besoin de personne pour leur émancipation ?

RA-Le voile/ burkini n’est pas une émancipation. Il est une pratique ancestrale dont l’objectif est d’être pour la femme le signe de son infériorité, de lui interdire de montrer certaines parties de son corps, ce que l’homme lui a le droit de montrer. Il attribue une légitimité à la violence à l’égard des femmes non-voilées.

Le voile est imposé aux femmes. Aucun être humain n’aime naturellement être  dans une situation d’infériorité. Il faut savoir que la morale islamique est fondée sur le principe de l’obéissance, et par la même l’organisation sociale et politique. Les militantes pro-burkini s’activant dans le cadre de la Confrérie des frères musulmans, dont les chefs sont des hommes, répondent aux ordres d’hommes. Derrière toute femme voilée, il y a un homme. Telle est la réalité.

Question 5- Des féministes soutiennent pourtant ce mouvement, pourquoi sont-ils (elles) perméables à ce discours selon vous ?

RA-“On ne peut pas avoir une position claire et réelle au sujet du voile en faisant fi de son histoire et de sa culture et c’est ce qu’elles font. Je rappelle que Saint Paul disait dans son épitre aux Corinthiens que la femme doit porter un voile sur la tête comme signe de sa subordination à l’homme. Un féminisme qui défend le voile n’est pas un féminisme.

Pourquoi la revendication du burkini au nom de l’égalité est un non-sens

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1 Commentaire(s)

  1. BRAUNSTEIN dit :

    Bonjour
    Je n’ai rien à redire sur le fait que le voile ou un autre habit qui relève de l’attribue d’une religion soit un moyen de maintenir les femmes dans la domination. C’en est même l’un de postulats et une réalité. Et en effet l’avenir du monde “musulman” dans son évolution dépendra de la capacité des femmes à s’émanciper à la fois des hommes mais aussi vis à vis de la religion. Toutefois le problème collectif qui nous occupe en France aujourd’hui n’est pas de savoir si la femme peut ou pas porter le voile ou le burkini dans la sphère privée mais de savoir si l’habit qui est porté doit faire l’objet d’un interdit dans la sphère publique. Car c’est cela qui est attendu par une partie des français et sous entendu par les propos de certains intervenants pour des raisons souvent de basse politique. Or, cela serait contraire aux règles de la laïcité actuelles. Car ou s’arrêtera ensuite l’interdit pour les Siks, les juifs, les hommes qui portent des costumes roses ou les jeunes filles qui ont une tenue dite provocatrice. A moins que notre société désigne comme ennemi principale et héréditaire : l’islam. En conséquence, il me semble que dans ce débat nous tournons autour du pot sans aller jusqu’au bout de la logique avancée. Et soyons précis, l’éducation si elle peut participer à une évolution positive est incapable de répondre aux différentes humiliations qui sont souvent les fondements des mouvements rigoristes et autres catastrophes humaines. En conséquence soit la France considère collectivement que le burkini, le voile doivent être interdits car ils troublent l’ordre public ou alors il faut des solutions politiques, sociales, éducatives et de renseignements qui évitent la stigmatisation source en générale d’un repli sur soi.
    Cordialement

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