Razika Adnani « L’appel au meurtre lancé contre Saïd Djabelkhir est grave »



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Publié par la Cité

L’appel au meurtre lancé contre Saïd Djabelkhir est grave.  Comment peut-on se permettre d’appeler à tuer une personne parce qu’on n’est pas d’accord avec ses propos ou parce que ces derniers nous ont offusqués ?  Sommes-nous dans une jungle ? 

Saïd Djabelkhir était dans un débat à Alger, un échange. Il donnait son avis sur une question qui lui avait été posée. Il avait le droit de s’exprimer. Dans un débat, les gens ne sont pas obligés d’être d’accord avec celui qui expose son idée, d’aimer ses propos ou de les accepter. Cependant, personne n’a le droit d’appeler à le tuer ou à le violenter. Le droit de réponse doit s’exercer dans l’échange, le débat et l’argumentation. 

Quant au sujet qui a provoqué autant de haine et de violence : le jeûne du mois de Ramadan cité dans la sourate La Vache et exactement du verset 183 au verset 185. Dans le verset 183, le Coran dit : « Ô vous les croyants le jeûne vous a été prescrit comme il a été prescrit a ceux qui vous ont précédés puissiez-vous craindre Dieu. » 

أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا كُتِبَ عَلَيْكُمُ الصِّيَامُ كَمَا كُتِبَ عَلَى الَّذِينَ مِنْ قَبْلِكُمْ لَعَلَّكُمْ تَتَّقُونَ. أيَّامًا مَعْدُودَاتٍ فَمَنْ كَانَ مِنْكُمْ مَرِيضًا أَوْ عَلَى سَفَرٍ فَعِدَّةٌ مِنْ أَيَّامٍ أُخَرَ وَعَلَى الَّذِينَ يُطِيقُونَهُ فِدْيَةٌ طَعَامُ مِسْكِينٍ فَمَنْ تَطَوَّعَ خَيْرًا فَهُوَ خَيْرٌ لَهُ وَأَنْ تَصُومُوا خَيْرٌ لَكُمْ إِنْ كُنْتُمْ تَعْلَمُونَ

Dans le verset 184, il dit : « Un nombre compté de jours sauf si quelqu’un parmi vous est malade ou en voyage il pourra rattraper le même nombre de jours ultérieurement et ceux pouvaient jeûner mais ne le font pas doivent se racheter en nourrissant un pauvre celui qui est volontaire pour le bien il lui sera compté mais jeûner est encore mieux si vous saviez ». 

أياما معدودات فمن كان منكم مريضا أو على سفر فعدة من أيام أخر وعلى الذين يطيقونه فدية طعام مسكين فمن تطوع خيرا فهو خير له وأن تصوموا خير لكم إن كنتم تعلمون

Ce que nous pouvons comprendre de ce verset est que le jeûne n’est pas une obligation, il est une pratique dépendant de la volonté de la personne. Ce ne sont pas seulement les malades et les voyageurs qui n’y sont pas obligés, mais aussi ceux qui devraient peuvent également ne pas le faire. Ce que beaucoup de commentateurs ont affirmé comme Ibn el-Kathir qui a écrit : « Quant à celui qui est en bonne santé et qui est capable de jeûner, il avait le choix de jeûner ou de manger. S’il voulait il jeûnait et s’il voulait il mangeait et rattrapait en nourrissant un pauvre chaque jour s’il pouvait nourrir plus de pauvres c’était encore meilleur … »

 

 أما الصحيح المقيم الذي يطيق الصيام ، فقد كان مخيرا بين الصيام وبين الإطعام ، إن شاء صام ، وإن شاء أفطر ، وأطعم عن كل يوم مسكينا ، فإن أطعم أكثر من مسكين عن كل يوم ، فهو خير” . 

Pourtant les juristes considèrent le jeûne comme une obligation divine au point où dans certains pays y compris l’Algérie, ne pas jeûner est passible de poursuite judiciaire. Cela  s’explique par le verset 185 de la même sourate qui prend un discours plus impératif, où le jeûne est devenu une obligation : « Le mois de Ramadân durant lequel le Coran a été révélé comme guide pour le genre humain et des preuves explicites pour la bonne guidance celui  qui  parmi vous est présent en ce mois qu’il le jeûne le malade et le voyageur rattraperont  leurs jours ultérieurement Dieu veut vous soulager de vos peines et ne vous veut pas la difficulté tout cela afin que vous acheviez  votre jeûne et que vous glorifiez Dieu  pour vous avoir guidés peut-être seriez-vous  reconnaissants ». 

Pour sortir de la difficulté dans laquelle ils se trouvaient devant ces deux versets, les docteurs de l’islam ont considéré que le verset 185 abrogeait le verset 184. Le principe de l’abrogé nassikh et de l’abrogeant manssoukh permet auxdocteurs de l’islam de sortir de certaines situations juridiques et théologiques complexes : celles où les versets présentent, au sujet d’une même question, deux positions différentes, voire contradictoires. L’exemple le plus connu est celui concernant la consommation du vin que certains textes autorisent alors que d’autres l’interdisent selon les docteurs de l’islam ; ceux qui l’interdisent abrogent ceux qui le permettent.  

Une question s’impose dans ce cas, étant donné que les deux versets se suivent, y’ a- t’-il eu une période où le jeûne était réellement une question de choix et où il n’était pas observé par tous les musulmans ? Les commentaires de certains tel que Ibn el Kathir, el Tabari, nous permettent de déduire qu’il y a eu en effet une période où les musulmans ont pratiqué le verset 184.  Il faut également souligner un point important :  la transcription du Coran n’a pas été soumise à un ordre chronologique quelconque. 

Saïd Djabelkhir n’a donc fait que rapporter ce que les commentateurs musulmans ont raconté et ce que le Coran lui-même a évoqué. Chacun a le droit d’en débattre pour comprendre davantage, mais personne n’a le droit de faire taire la pensée et la réflexion. Le faire, c’est permettre à l’ignorance de l’emporter sur le savoir. 

Razika Adnani

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3 Commentaire(s)

  1. بلخير dit :

    هذا المفكر على صواب شاء من شاء و كره من كره و المخطئون يدخلون الاحرار الى السجن بسب حرية الراي التي هي كلمة الله العليا.

  2. Bessalem dit :

    Presque 15 siècles après l’avènement de l’islam, il est du devoir de tous les “ulémas” d’éclairer les croyants. Saïd D.E.K est parmi ces scientifiques, il est donc dans son rôle.

  3. Marc dit :

    Monsieur Djabelkhir a en effet le droit de s’exprimer ; j’ajouterai même qu’il en a le devoir.

    Au sujet de l’obligation du jeûne, Tahar Ben Jelloun, dans « L’islam expliqué aux enfants (et à leurs parents) », cite ce hadith : “L’étude de la science a valeur du jeûne ; l’enseignement de la science celle d’une prière”.

    À l’époque où l’islam était une civilisation brillante, les différents courants de pensée, juridique et théologique, en son sein, se nourrissaient les uns des autres et de leurs divergences. Ainsi les asharites, qui sont aujourd’hui considérés comme orthodoxes, écoutaient les positions de leurs adversaires, philosophes aristotéliciens et mutazilites, et avaient l’esprit assez ouvert pour adopter leurs modes de raisonnement, leurs concepts, et parfois même leurs positions quand elles leur paraissaient plus justifiées que les leurs. Pour que cette fécondité soit possible, encore faut-il que les idées puissent circuler et s’exprimer librement.

    M. Djabelkhir est en effet dans son rôle. On ne peut pas en dire autant de ceux qui l’ont condamné.

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