Le voile – La déshumanisation de l’homme



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Pour régler le problème du voile, il faut cesser de le présenter comme un signe religieux, aucun verset coranique ne dit que la femme doit couvrir sa chevelure, mais comme un signe de discrimination, de déshumanisation et une légitimation de la violence, ce qu’il est réellement.

” Le port du voile est, aujourd’hui, l’un des phénomènes sociaux les plus spectaculaires et les plus répandus. En Algérie, comme dans tous les pays musulmans, il symbolise l’une des représentations les plus visibles d’un retour aux traditions qui signe l’échec du combat mené par les intellectuels du XXe siècle : considérer la femme en tant qu’être humain et non en tant que corps. Pour prouver la nécessité du voile revient toujours la même justification : il protège la femme des agressions sexuelles car, devant le corps de la femme, l’homme est incapable de se maîtriser. Quand il l’aperçoit, il le désire obligatoirement et, s’il le désire, il ne peut que chercher à assouvir cette pulsion.[…]. 

Lire la lettre de Razika Adnani à Monsieur Éric Piolle, maire de Grenoble

Si le comportement sexuel de l’homme ne dépend pas de sa volonté, alors que la volonté est intrinsèque à la responsabilité, celui-ci ne serait donc responsable ni moralement ni juridiquement de son acte. À qui alors faire porter la responsabilité de l’agression qu’il peut commettre ? À la femme, nous disent-ils, car c’est elle qui tente l’homme en exposant son corps, provoquant ainsi son désir. N’est-ce pas un discours digne de celui de la criminologie, qui considère qu’un délinquant sexuel ne peut se contrôler sauf à être séparé de l’objet de son désir ? Déresponsabiliser l’homme, c’est lui refuser esprit et raison et le décrire comme un être seulement mû par des causes déterminantes extérieures.

Cette justification, telle qu’elle est exposée, présente l’homme comme une matière sans âme ou un animal guidé par ses instincts. Il est normal qu’on s’interroge sur ce qui reste de son humanité. Nous sommes alors confrontés à un problème ontologique très classique : qu’est-ce que l’humain ?

Les philosophes, depuis l’Antiquité, ont toujours mis l’accent sur le fait que si l’être humain n’est certes pas un dieu, il n’est pas non plus une chose ou un animal. Il en diffère par la pensée et la volonté qui lui permettent de réfléchir, d’évaluer les situations et de faire des choix. Par là même, ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour aider les humains à comprendre ce qu’ils sont et à se comporter en conséquence.[…]

Que diraient Rousseau, Ibn Sina et Ibn Badja s’ils entendaient Ahmed Deedat (1) déclarer, avec fierté, devant une foule (composée aussi bien d’hommes que de femmes) l’applaudissant frénétiquement, que s’il voyait une femme en maillot de bain, il ne saurait se contrôler ? S’ils l’avaient vu se flatter de n’avoir aucune maîtrise sur son corps, qu’en auraient-ils pensé ? Quelle serait la réaction de nos philosophes, s’ils avaient entendu ce mufti ( algérien) répondre à la question concernant un père qui viole sa fille en toute banalité : « si la fille se promène à la maison avec une robe transparente, le père est un homme, il a un instinct » ? Ils auraient certainement été choqués de voir la nature humaine réduite à un corps et à ses exigences. Ils n’auraient sans doute pas compris cette volonté de se placer dans une servitude au sein de laquelle, l’être humain perd son humanité. L’homme doit-il payer un tel tribut pour obtenir de la femme qu’elle se voile?

Ce discours révoltera toute personne de bon sens. Notre humanité est la seule chose à propos de laquelle nous ne puissions faire de concession. La problématique ne s’arrête pas là. La question de l’humanité et de la responsabilité convoque celle de la morale et de la sociabilité puisque le seul acte qui puisse être qualifié de moral ou d’immoral est accompli par celui qui dispose de la capacité à faire ou pas. […].

Aujourd’hui, nous nous plaignons tous d’une violence qui se généralise, qui épuise physiquement et moralement, qui empêche d’avoir la tranquillité et d’être heureux. Pourtant, nous récoltons ce que nous semons. Que pouvons-nous attendre d’une population qui, pour moitié, s’entend dire que sa valeur se limite à son corps et pour l’autre moitié que son destin est d’y être soumis ? Si nous voulons que les hommes et les femmes se conduisent comme des êtres humains, il faut le leur dire et ne jamais cesser de le leur rappeler. Donner à nos enfants cette éducation dès leur jeune âge nous garantit des adultes capables de vivre convenablement en société.[…].

Cela n’est possible que par une réconciliation avec la morale, la vraie, celle qui met fin à la moralisation de la violence afin de s’interdire d’y recourir quelle que soit la situation. Cela n’est possible que si les hommes et les femmes se réconcilient avec leur humanité et cessent de la donner en gage pour satisfaire leurs désirs. Il faut que l’homme en finisse avec un discours qui le déshumanise.[…].”

Razika Adnani, extraits de son ouvrage La nécessaire réconciliation, UPblisher, deuxième édition 2017

(1) : Théologien et prédicateur islamique indien né en 1918 mort en 2005.

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