LE PARTAGE SUCCESSORAL: Des questions en quête de réponses



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Par Razika Adnani
Article publié par le quotidien algérien Liberté
Au fil du ramadhan, le 23 août 2010

Souvent les savants de la religion terminent leurs discours par : « Et seul Dieu sait. Wa Allaho a’allam ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie tout simplement que lorsque l’objet de la connaissance est le divin autrement dit son savoir, sa volonté et ses jugements, l’être humain n’est jamais sûr de sa propre connaissance et cela quoi qu’il fasse: le monde infini de Dieu et de son savoir dépasse la capacité d’imagination humaine qui ne peut le contenir. Tout ce que l’humain peut faire, c’est aller vers le divin sans jamais garantir qu’il l’a atteint. Pourtant, selon les savants de l’islam, les versets qui réglementent la succession sont clairs, explicites et ne prêtent à aucune confusion. Par conséquent, il est du devoir des musulmans de les appliquer à la lettre.

Si l’on considère qu’il s’agit là d’une règle, elle doit s’appliquer de manière égale à tous les versets de même nature. Or, d’autres versets tout aussi clairs et explicites n’y sont pas soumis sans que cela ne gêne la conscience des musulmans car ils les considèrent comme caduques et dépassés. Ainsi, le verset 38 de la sourate 5, la Table servie, ordonnant de couper la main du voleur et de la voleuse, est dépourvu de la moindre ambiguïté. Il est appuyé par les hadiths du Prophète comme celui où il dit : “La main (du voleur) sera coupée, s’il s’agit d’un dinar ou au-dessus” . Cependant, il n’est pas appliqué dans la majorité des pays musulmans. Selon les historiens, cette punition a été abrogée par Omar ibn El-Khatab dès lors que les facteurs sociaux n’ont plus justifié son application.

De même, Omar a également annulé la part de l’aumône destinée aux non-musulmans bien qu’elle ait été décrétée par un verset coranique explicite (le verset 60 de la sourate, le Repentir). A l’époque cette aumône était légitimée par le souci des premiers musulmans d’éviter d’avoir les infidèles comme ennemis. lorsque la situation sociale et militaire des musulmans a changé et que ce soutien n’a plus été nécessaire, Omar a jugé que cette aumône n’avait plus lieu d’être ; c’est ainsi que cette loi coranique a été abrogée. Pour Omar, les lois se justifiaient par les circonstances sociales et, si ces circonstances changeaient, les lois devaient évoluer. D’ailleurs, tous les savants musulmans approuvent la position d’Omar et la citent en exemple pour justifier l’annulation des lois relatives à l’esclavage par exemple admis par le Coran. Selon Mohamed Qotb, « … il faut comprendre les réalités sociales, psychologiques et politiques qui ont entouré le sujet des esclaves et qui ont fait que l’islam a posé les principes qui permettent l’abolition des esclaves puis a laissé ces principes faire leur travail à travers le temps » . Cela nous renvoie à une question : pourquoi ne pas regarder la loi du partage successoral et les autres lois selon cette même philosophie après que les circonstances socioéconomiques des musulmans ont changé ?

Si l’annulation de la punition du vol a été décidée dans un souci de justice sociale, pourquoi ce même souci n’est-il plus ressenti quand il s’agit de reconnaître l’effort que la femme fournit par son travail pour subvenir aux besoins de sa famille ? Pourquoi Omar annule-t-il une loi coranique pour alléger la condition difficile des pauvres et pourquoi fermons-nous les yeux sur la pauvreté qui touche de plus en plus les femmes et, par conséquent, leurs enfants? Pour les savants, si le Coran reconnaît l’esclavage et ne l’a pas aboli ouvertement, beaucoup de versets condamnent l’asservissement des êtres humains et de nombreux signes dans le Coran dénoncent la pratique de l’esclavage et annoncent son abolition.

Cette explication fort intéressante nous conduit à nous demander pourquoi elle ne s’appliquerait pas pour amender le droit successoral ? Si Dieu a vu qu’il était important de prendre en compte les conditions sociales et morales quand il a fixé les règles de l’esclavage, comme l’explique la majorité des savants, et s’il a donné aux humains le droit et le devoir d’évoluer vers une réalisation des principes de l’islam, la justice et l’égalité, pourquoi n’aurait-il pas fait la même chose quand aux règles relatives à la condition de la femme ? Dieu aurait-il observé une philosophie différente selon certaines lois et d’autres ?


N’y a-t-il pas dans le Coran, des signes qui permettraient aux musulmans d’abolir les inégalités du partage successoral et d’évoluer avec leur temps sans remords ? Pourtant, dans le verset 11 de la sourate “les Femmes”, une partie laisse beaucoup à réfléchir : “De vos ascendants et de vos descendants, vous ne savez pas qui est plus près de vous en utilité.”. Selon el Tabari « vos ascendants et vos descendants sont ceux à qui les parts de l’héritage sont attribuées », autrement dit les hommes et les femmes. Ce verset, précise donc qu’il est impossible de savoir qui d’entre les héritiers sera le plus utile aux siens (matériellement puisqu’ il s’agit d’un partage de biens matériels). Ce message n’est-il pas une preuve de l’erreur qui pèse sur la justification de la non-responsabilité financière de la femme et qui permettrait ainsi d’évoluer vers un partage égal de la succession ? Sans doute, la justice, principe rappelé dans plusieurs versets coraniques, est-elle déjà un signe suffisant. Il n’est pire injustice que la négation de l’effort d’un individu.

(1) QSSSl : que le salut soit sur lui
(2) Raconté par Aïcha (qaa) et rapporté par Al-Boukari.
(3) Mohamed Qotb, Controverse contre l’Islam (p. 47)

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